La mission Odyssébus entraine pour chacun de nous de nombreux changements dans notre mode de vie, et nos habitudes.
Les changements impliquent à la fois des gains, mais aussi des pertes et des renoncements. Nous sommes naturellement plus sensibles aux pertes qu’aux gains, par notre instinct animale ; en effet, face à l’incertitude, nous réagissons par de la méfiance car elle peut cacher un danger. Pour notre survie, il est préférable d’opter pour une fausse alerte, même si elle nous coûte en énergie, plutôt qu’un manque de vigilance ; le changement implique ainsi de la crainte, de l’anxiété car on ne peut prévoir le danger ni contrôler ce qui va arriver.
L’homme a besoin de créer un environnement rassurant autour de lui, sans danger. Pour cela, il crée des rituels, des habitudes, afin de ne pas être pris au dépourvu, et de garder le contrôle sur les événements à venir. Chacun ses méthodes : chercher à se faire rassurer, faire des listes, se surinformer, remplir son agenda pour ne laisser aucune place à l’imprévu. Or l’incertitude fait partie de la vie. Des travaux récents sur la résistance au changement (travaux d’Oreg) montrent l’existence de personnalités plus ou moins prêtes à résister en situation de changement ; ainsi, le contexte n’est pas seul en cause dans l’attitude de résistance. Dan Grupe, chercheur aux Etats-Unis, pense que l’intolérance à l’incertitude est liée à des processus du cerveau comme la régulation émotionnelle, la détection des menaces, et la détection des situations sûres.
Nous sommes partis il y a deux semaines, seulement deux semaines, et cela nous parait bien plus long. Les journées sont remplies d’imprévus, et nos habitudes ont été bouleversées. Un tel projet vient modifier en profondeur notre quotidien, dans ses dimensions spatiales, temporelles, mais aussi dans notre rapport à notre mode de consommation.
Spatial d’abord, car notre logement s’est à la fois réduit de 150M2 à 45M2, et est passé de l’immobile au mobile. Temporel ensuite, avec des journées qui font la part belle à l’imprévu et aux rencontres, plutôt qu’à un agenda pré-établi.
Enfin notre mode de consommation : avec un ballon d’eau de 450 litres, nous avons dû réduire drastiquement notre consommation d’eau. Les premiers temps, on vidait le ballon en une journée. On a dû établir un roulement pour les douches et passer chacun d’une douche par jour, à une douche par semaine. Faire un lave-vaisselle tous les 2 jours quand on en faisait 2 par jour. Une lessive par semaine au lieu d’une par jour.
Notre consommation d’énergie également. Nous dépendons du soleil. Quand il y a du soleil, les batteries se rechargent, et nous pouvons avoir de l’eau chaude, faire tourner des machines. Le soir, les batteries commencent à se vider, et nous devons limiter les appareils électriques. On ne recharge plus son téléphone la nuit mais le jour. On évite la climatisation. On mange froid le soir pour éviter d’utiliser la plaque de cuisson. Enfin, la consommation de wifi ! Nous avons chacun un forfait de 25 giga-octets, et un forfait de 70 giga en plus pout tout le monde. Cela parait énorme et pourtant, on a vite atteint les limites. Aujourd’hui, nous cherchons encore comment limiter, et qui consomme quoi. En septembre, on aura besoin de maitriser cette consommation car il y aura école et cela demandera, surtout pour les deux grands, d’être sur internet.
Tous ces changements sont bien sûr difficile à vivre pour chacun. Cela entraine agacements et disputes. Il faut un temps d’adaptation. On n’y est pas encore. Chacun réagit à sa façon, s’adapte à son rythme.
Parmi les enfants, certains ont plus de difficultés à vivre ces changements et sont plus enclins à l’inquiétude. Cela ne date pas du début de la mission : ils avaient déjà des difficultés à accepter les changements dans leur vie quotidienne. L’intolérance au changement poussé à l’excès peut devenir une phobie que l’on appelle la métathésiophobie, la peur du changement, qui a des répercussions sur la vie quotidienne et professionnelle. Cette phobie empêche ceux qui en souffrent de bouger, de changer quoi que ce soit dans leur routine. Si la résistance au changement est, comme nous l’avons vu, naturelle, elle peut devenir irrationnelle, persistante et très intense. Cela entraine des symptômes psychologiques et physiques :
– crise de panique et anxiété
– tremblements
– respiration rapide
– transpiration
– nausées
– colère
Pour éviter le changement, le phobique peut trouver des solutions d’évitement, rompre des liens, trouver des excuses. Cette phobie est souvent liée à la tropophobie, la peur de bouger. Elles peuvent être associées à d’autres troubles psychologiques comme la phobie sociale, ou le trouble d’anxiété généralisé. Deux de nos enfants souffrent de ces troubles, avec des symptômes différents, des réactions différentes. En tant que parents, nous devons nous suradapter à leurs réactions, leurs angoisses, leurs colères. Pour les frères et soeurs qui n’ont rien demandé, cela est beaucoup plus difficile. Mais nous espérons que cela fera leur force de caractère, les poussera à plus de tolérance et de compréhension. Et pour nos deux enfants phobiques, que ce voyage pourra les aider à rompre l’association entre le changement et la réaction qui chez eux, est bien souvent inadaptée, apprendre à réguler leurs émotions, accepter l’incertitude au quotidien, relativiser les situations d’imprévus, rationaliser leurs peurs, privilégier les pensées positives. C’est cela aussi grandir.
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